Au fil des ateliers menés depuis 2009 avec L’Atelier du Furoshiki, j’ai pu rencontrer un large public, de l’enfant à l’ainé·e, et échanger autour de la pratique de nouage du tissu, universelle et intergénérationnelle. De belles occasions de partage de souvenirs, d’expériences où nous prenions conscience d’être liés aux autres, aux lieux et aux choses.

J’ai eu envie de prolonger ces échanges et ai donc lancé le projet Comment nouez-vous ?  en proposant de récolter des témoignages oraux de personnes qui utilisent, ou auraient utilisé dans leur jeunesse, leur pays d’origine, des techniques de nouage de tissus pour se vêtir, transporter ou emballer des objets.

Ces témoignages oraux enregistrés en format numérique me permettront de constituer une phonothèque spécialisée dans le nouage de tissu, afin de valoriser un patrimoine immatériel et une mémoire collective. Ces enregistrements pourront ensuite servir de matière pour des projets culturels menés par L’Atelier du Furoshiki (créations textiles et sonores, publications, lectures, etc.).

La 1ère personne à témoigner fut ma mère qui partagea ses souvenirs de fromages de chèvres emballés soigneusement dans un tissu par sa grand-mère, gardienne de chèvre bourguignonne.

Je suis ensuite partie à la rencontre de l’Association Arlène, implantée dans l’immeuble du DRAC dans le quartier de Bellevue à Nantes.

Cette association propose, à des femmes du quartier et de ses environs, des ateliers créatifs autour du textile (couture, tricot, broderie, etc.) afin de créer du lien social, leur permettre de sortir de l’isolement, s’entraider et reprendre confiance en elles grâce au partage des savoir-faire de chacunes.

Anne-Françoise Ménager et Hikimati Saindou, les responsables et animatrices de l’association ont donc proposé à leurs adhérentes de participer à mon projet sur plusieurs séances.

Dans un 1er temps, j’ai leur ai présenté le projet puis la technique du furoshiki. Nous avons commencé à faire quelques nouages et déjà cela faisait rejaillir des souvenirs de jeunesse chez certaines.

La 2ème séance : j’ai proposé un atelier d’initiation complet pour que les participantes puissent bien s’approprier cette technique.

Ce fut l’occasion d’échanger sur le nouage de tissu dans différentes cultures : au Tchad, Khadija évoque le portage sur la tête de repas emballés lorsqu’on part visiter la famille.
Aïcha explique que sa grand-mère marocaine emballait ses vêtements et affaires de toilettes dans un tissu lorsqu’elle se rendait au hammam, ce qui fait écho au Japon où l’on se servait d’un furoshiki lorsqu’on se rendait aux bains publics d’où l’origine du mot furoshiki étaler quelque chose au bain.

Nathalie se souvient qu’avec sa maman, elle transportait le linge sale qu’elles allaient laver au lavoir en région nantaise. Pour Sarah, même utilisation lorsqu’elle se rendait marigot en Côté d’Ivoire.

Naïma et Yamina évoquent les trousseaux emballés en Algérie, comme en Turquie avec Esra…

Toutes ces utilisations s’interpellent et entrent en résonance. D’un pays à l’autre, on retrouve les mêmes gestes universels qui nous rapprochent et nous lient toutes et tous.

Lors d’une 3ème séance, les participantes ont chacune démarré un projet de création de furoshiki avec lequel elles pourront emballer un cadeau ou envelopper un objet qu’elles voudraient conserver précieusement.

Puis la collecte des témoignages a pu commencer. Pas facile de passer de la discussion informelle en groupe à l’enregistrement d’un témoignage plus personnel, plus intime…

C’est Khaddouma qui s’est lancée la première avec un large sourire.

Chaque témoignage est précieux, même celui qui peut paraitre le plus anodin pour celle qui témoigne.

Lors de la dernière séance, j’ai continué les collectes et celles quoi ont témoigné ont pu laisser leur trace, leur empreinte sur une création collective, furoshiki à broder, qui portait déjà la mienne et celle de ma mère.

Les témoignages serviront sûrement de matière pour une future création sonore et textile, où ils se mêleront sûrement à d’autres paroles d’ailleurs, d’ainés par exemple ou de jeunes générations qui font revivre le nouage avec le mode de vie zéro déchet.

Affaire à suivre….

Du côté d’Arlène, les participantes ont le projet de créer un furoshiki collectif à partir de la rentrée de septembre qui servira pour le transport du kamishibai, du butai et des belles illustrations cousues et brodées qu’elles ont réalisées dans le cadre d’un projet précédent. J’ai hâte de voir le résultat.

Un grand merci à Anne-Françoise et Hikimati pour leur accueil et la coordination des séances.
J’ai eu grand plaisir à rencontrer toutes ces femmes qui m’ont gentiment accordé leur attention et leur confiance pour me livrer un peu de leurs histoires.
Un grand merci à elles : Nathalie, Brigitte, Manijah, Sarah, Yamina, Khadija, Fatima, Fatma, Tetiana, Aïcha, Naïma, Houyem, Esra et Khaddouma.